À l’ère de l’IA agentique — ces intelligences artificielles capables de percevoir, décider et agir de façon semi-autonome — la notion de vie privée se transforme radicalement.
Ce ne sont plus seulement les accès aux données qui comptent, mais ce que l’IA infère, retient, agit ou partage sans supervision constante.
Cette évolution remet en question notre façon de protéger les données personnelles : la confiance devient plus importante que le simple contrôle.
Voici alors pourquoi le modèle Zero Trust (ou « confiance nulle »), pilier de la cybersécurité moderne, est aujourd’hui essentiel pour garantir la vie privée, comment il doit évoluer, et quelles pistes concrètes adopter.
L’essentiel à retenir
- L’IA agentique agit non seulement sur les données fournies, mais aussi sur ce qu’elle infère, retient et interprète.
- La vie privée ne se résume plus à qui accède aux données, mais à ce que l’IA en fait, à sa capacité à rester alignée avec les attentes de l’utilisateur.
- Le modèle Zero Trust doit évoluer : au-delà de la vérification des identités et permissions, il doit intégrer la transparence, l’alignement des objectifs et la véracité des inférences.
- Sans nouvelles normes légales, morales et techniques, les actions prises « au nom de l’utilisateur » par une IA risquent de compromettre la vie privée.
Qu’est-ce que l’IA agentique et pourquoi bouleverse-t-elle la vie privée ?
L’IA agentique désigne des systèmes capables de percevoir leur environnement, d’interpréter des signaux partiels, de prendre des décisions et d’agir parfois sans supervision directe.
Ces agents ne se contentent pas d’exécuter des instructions : ils adaptent leur comportement au contexte et peuvent modifier leurs actions au fil du temps.
Dans ce cadre, la vie privée est fragilisée. Le risque ne vient pas seulement de l’accès direct à des données sensibles, mais aussi de l’interprétation implicite.
Par exemple, un assistant de santé pourrait déduire un état dépressif à partir du ton de voix ou choisir de filtrer certaines notifications pour « protéger » son utilisateur — sans que ce dernier en ait conscience ou ait donné son accord.
Les limites du Zero Trust face aux IA agentiques
Le modèle Zero Trust traditionnel repose sur l’idée qu’il ne faut jamais faire confiance par défaut et qu’il faut vérifier chaque accès.
Mais appliqué aux IA agentiques, il doit aller plus loin. C’est pourquoi certains experts proposent de le décliner en quatre principes réunis dans l’acronyme ZERO :
- Z – Zero Trust : ne jamais accorder de confiance implicite, même à un agent que l’on utilise tous les jours. Chaque action doit être validée et authentifiée.
- E – Explainability (explicabilité) : l’IA doit être capable d’expliquer clairement pourquoi elle a pris une décision, sur quelles données ou hypothèses elle s’est appuyée.
- R – Reliability (fiabilité et alignement) : les objectifs poursuivis par l’agent doivent rester fiables et cohérents avec ceux de l’utilisateur, même si le contexte ou les données évoluent.
- O – Observability (observabilité et transparence) : il doit être possible de retracer les actions de l’agent, ce qu’il a appris, retenu, supprimé ou partagé.
Ces quatre dimensions permettent de compléter le modèle Zero Trust classique et de l’adapter aux défis uniques posés par l’IA agentique.
Pistes pour protéger la vie privée avec Zero Trust
Mettre en place un Zero Trust adapté à l’IA agentique ne se limite pas à vérifier des accès. Il s’agit de repenser en profondeur la manière dont les agents sont conçus, utilisés et surveillés.
Voici cinq pistes clés :
Construire pour la lisibilité
Les agents doivent être capables de rendre leurs décisions compréhensibles. Par exemple, si un agent de santé recommande un changement de traitement, il doit pouvoir expliquer : « J’ai observé tel signal, croisé avec telle donnée, ce qui m’a conduit à cette conclusion ». Cette transparence aide l’utilisateur à garder la main sur les choix faits en son nom.
Définir des intentions explicites
Une IA agentique ne doit pas improviser ses priorités. Dès sa conception, il faut intégrer des principes clairs. Protéger la vie privée, limiter la collecte et n’utiliser que l’essentiel. Ainsi, un assistant financier doit être programmé pour ne pas partager d’informations sensibles avec des partenaires tiers, sauf consentement explicite.
Renforcer la gouvernance
Les organisations doivent instaurer des mécanismes de contrôle indépendants. Cela peut passer par des audits réguliers, des comités de supervision ou des certifications de conformité. Le but est de s’assurer que les agents respectent les intentions fixées. Ils ne doivent pas dériver vers des comportements opaques ou risqués.
Prévoir une révision dynamique des droits
Les besoins des utilisateurs évoluent. Un agent peut avoir un accès autorisé qui devient inadapté plus tard. L’utilisateur doit donc pouvoir modifier facilement les permissions, voire retirer complètement son consentement. Par exemple : couper l’accès de l’agent à l’historique de navigation après un changement d’usage.
Adapter les cadres juridiques
Les réglementations comme le RGPD protègent l’accès et le traitement des données. Elles visent surtout des systèmes traditionnels. Or, avec l’IA agentique, la question n’est plus seulement « qui a accédé à mes données ? », mais aussi « qu’a fait l’agent avec ces données ? ». Les lois doivent donc évoluer pour encadrer les actions et les décisions automatiques prises au nom de l’utilisateur.
L’IA agentique inaugure une nouvelle ère : celle où nos assistants numériques ne se contentent plus d’exécuter, mais décident et agissent.
Dans ce contexte, appliquer un modèle Zero Trust enrichi est indispensable pour préserver la vie privée. Il repose sur transparence, alignement et responsabilité.